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Au Bonheur des Dames

d'Émile Zola

Dès 1867,  Zola songe à consacrer l'un des romans à ce qu'il appelle le « haut commerce ». Le développement des grands magasins est une composante essentielle du Second Empire, dont l'écrivain souhaite brosser les caractéristiques.
C'est dans le Paris remodelé par Haussmann que le Bon Marché, petite boutique de mercerie qui employait une dizaine de commis, connaît un développement exceptionnel.
Tel est le sujet d'Au Bonheur des Dames : l'histoire extraordinaire d'une petite boutique de nouveautés devenue le plus important des grands magasins parisiens grâce à son patron, Octave Mouret.

Arbre généalogique des Rougon-Macquart annoté
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Le Baron Haussmann, préfet de la Seine
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Grands magasins de nouveautés, à la Paix
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Grands magasins du Coin de Rue
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Souvenir du nouveau Paris, plan simplifié pour se guider seul dans Paris
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Je veux, dans Au Bonheur des Dames, faire le poème de l'activité moderne.

Émile Zola, Au Bonheur des Dames, dossier préparatoire, premier volume, ébauche.

Une importante documentation

Fin 1881, Zola enquête sur le terrain grâce aux modèles du Bon Marché et des Grands Magasins du Louvre. Il observe la disposition des rayons, l'architecture et relève les plans étage par étage. Il interviewe le personnel, s'informe sur l'organisation générale, les techniques de vente et les systèmes d'intéressement des employés.

La salle d'arrivée des colis et de réception des marchandises
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Coupe transversale de l'escalier
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La galerie de confections
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Plan des rayons du magasin (rez-de-chaussée)
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Liste des marchandises du Magasin du Louvre
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Dépouillement de la correspondance
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Réception des marchandises
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Je mens pour mon compte dans le sens de la vérité. J'ai l'hypertrophie du détail vrai [...]. La vérité monte d'un coup d'aile jusqu'au symbole.

Émile Zola, Lettre à Henry Céard,  22 mars 1885.

Les entorses au réalisme

Nourri de ces observations, le roman s'éloigne toutefois du réalisme. Il aura fallu trente ans au Bon Marché pour devenir un grand magasin mais cinq ans suffise dans le roman. Quand il rédige son roman fin 1882, Zola ramasse donc trente ans d'évolutions économiques sur les cinq ans du roman dont l'intrigue se déroule de 1864 à 1869.

Le Printemps, entrée principale sur le boulevard Haussmann
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La salle des machines, atelier d'imprimerie et d'échantillonnage
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À La Grande Maison, manufacture de vêtements
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Première page du manuscrit d'Au Bonheur des dames
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l'espace de la ville

Lorsque Zola arrive à Paris en 1858, la capitale est un immense chantier. Désigné par l'empereur, Haussmann dessine, abat, perce et construit le nouveau visage de la capitale, monumentale. Les expositions universelles magnifient le progrès. La nouvelle architecture de fer s’impose. Zola est très sensible à cette énergie d'une ville et d'une société qui se transforment.

De la rue de l'Échelle à la rue Saint-Roch, le percement de l'avenue de l'Opéra
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Jardin central
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Vue d'une lanterne vitrée
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Les Halles Baltard
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L'espace du roman

Dans le roman, c'est à l'intérieur d'un même pâté de maisons que s'opposent l'espace sombre, poussiéreux et étriqué du petit commerce et l'espace lumineux et chatoyant du grand magasin. En trois temps et trois chapitres qui structurent le roman, l'espace du grand magasin dévore l'espace des boutiques. Mouret tire sa puissance de l'expansion du magasin. Il en repousse les frontières par les publicités et catalogues dont il inonde Paris et la province, par ses voitures qui sillonnent la capitale. Dans son magasin, le patron a recours à l'architecture de fer et de verre, élevant les étages, jetant des ponts suspendus au-dessus des halls, effaçant les murs par des jeux de miroir. Du haut du grand escalier, Mouret, tel un capitaine de bateau sur le pont du navire, maîtrise tous les rouages de sa machine

Nouvel escalier des magasins du Bon Marché
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La naissance du commerce moderne

Fondé en 1784, le Tapis-Rouge marque la naissance du magasin de nouveautés. Mais ce type de commerce ne se développe qu'après 1820 avec La Belle Jardinière (1824), Aux Trois Quartiers (1829) et Le Petit Saint-Thomas (1830). Sous le second Empire, le percement des grands boulevards, l'essor des moyens de transport et l'accroissement de la population, donc de la clientèle, donnent au grand magasin une dimension nouvelle. Deux géants émergent, Au Bon Marché et Au Louvre, qui serviront de modèle au « Bonheur des dames ». Sous la gestion de Boucicaut, le chiffre d'affaires du Bon Marché passe de 500 000 francs en 1852 à 5 000 000 en 1860, 20 000 000 en 1870 et 72 000 000 à sa mort en 1877, tandis que le nombre d'employés passe de 12 à 1 788.

Au paradis des Dames
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De nouvelles techniques de vente

La recherche incessante de nouveaux produits, les « nouveautés », est une caractéristique du grand magasin parisien. L'instauration du prix fixe, marqué sur une étiquette, supprimant un marchandage qui ne correspond plus à l'esprit du temps, figure parmi les principales innovations. Certains produits sont vendus à prix « sacrifiés » pour attirer la clientèle, le manque à gagner étant amplement compensé grâce aux achats d'articles non démarqués. Afin d'accélérer le renouvellement des stocks, la liquidation des vieilles marchandises fait l'objet de réclames dans la presse et sur la voie publique.

À l'œil
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La concurrence à outrance.

Au Bonheur des dames révèle un autre aspect du commerce moderne : la concurrence à outrance. C'est une compétition entre petit et grand commerce, entre employés excités par un système de primes. Le magasin est une machine « fonctionnant à haute pression » dont le patron ne cesse de perfectionner le rendement.

Association de l'ouvrier aux bénéfices du patron
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À la Nouvelle Héloïse
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Nouvel escalier des magasins du Bon Marché
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Si vous avez la migraine…
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Une « grande machine à dévorer »

Le magasin dévore maisons et boutiques voisines, employés, clientes et marchandises. Tout en montrant les conséquences tragiques de ce fonctionnement, Zola n'accuse pas la machine de commettre le mal, ni de transformer les employés en robots. Il souligne l'indifférence de cette « grande machine à dévorer » à produire le bien et le mal.

L'atelier des tailleurs
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La galerie des confections
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Bourras
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Service des échantillons, une machine à découper
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Une société nouvelle.

Les grands magasins naissent dans une société emportée par le mouvement de profondes mutations générées par les progrès de l'industrialisation. Dans un Second Empire soucieux d'asseoir sa légitimité, l'architecture spectaculaire et les fastes de la vie parisienne permettent à une société bourgeoise composite nouvellement enrichie d'afficher sa toute récente splendeur.

La porte Marengo, éclairée à la lumière électrique
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Grand ball at the Hotel de Ville
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Ces petites dames
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La salle à manger
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La caractéristique du mouvement moderne est la bousculade de toutes les ambitions, l'élan démocratique, l'avènement de toutes les classes

Émile Zola, Les Rougon-Macquart, Notes générales sur la marche de l'œuvre, 1868.

Le désir d'ascension sociale

Comme beaucoup de clientes et d'employés du Bonheur des dames, les deux protagonistes du roman quittent leur province pour venir prendre, à Paris, « le coup de vent du siècle, qui emportait l'édifice croulant des vieux âges. » Octave Mouret est dans son siècle, il se jette dans les affaires. Il rêve « d'organiser la maison de manière à exploiter les appétits des autres pour le contentement tranquille et complet de ses propres appétits ».

Et se tournant vers Octave, elle ajouta : « Monsieur le Baron Hartmann »
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Le développement de la consommation

Le développement de la consommation est devenu indispensable à la survie du capitalisme qui se met en place. Zola montre la place que le grand magasin tient désormais dans la vie des femmes, qui célèbrent dans cette cathédrale d'un nouveau genre, une nouvelle religion, celle « du corps, de la beauté, de la coquetterie et de la mode ».

Le règne de la crinoline
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La crinolinomanie
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Coiffes
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La galerie des confections
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L'ouvrière du quartier Montmartre
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Des conditions de travail difficiles

Les employés du Bonheur, exposés à la promiscuité et à la fatigue de journées de travail harassantes, doivent s'engager dans une lutte sans merci pour leur survie, au milieu des traquenards et des rivalités. Ils subissent en outre la contrainte d'une discipline quasi militaire, imposée par une hiérarchie qui surveille, sanctionne, contrôle, et entrave toute velléité de vie familiale au profit d'une vie collective tout entière dévouée au travail. L'intéressement aux bénéfices, la guelte, et le jeu des promotions internes permettent l'ascension sociale de certains employés, mais instaurent la compétition comme moteur de leurs relations et soumettent le monde du travail à la loi du plus fort.

Lavabo des garçons de magasins
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Classe bourgeoise et classe ouvrière

Les nouvelles classes ouvrières s'organisent dans le cadre du combat socialiste naissant, tandis que, dans le sillage du saint-simonisme, se développent des utopies communautaires, et que la nouvelle classe dominante invente le paternalisme chrétien.  Inspiré du modèle de madame Boucicaut au Bon Marché, Denise entreprend de construire avec Mouret ce « phalanstère du négoce » qui, en améliorant la vie des hommes, améliore en même temps les performances de la machine commerciale. Zola rend compte des mutations sociologiques et économiques de son époque à travers une typologie de personnages chargés de représenter symboliquement l'émergence d'une nouvelle classe sociale.

Portrait de Mme Boucicaut
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